• Mémoires de guerre d'un woluwéen... suite

    Il y a de cela près de deux ans, je publiais les mémoires de guerre de Monsieur Brigode  dont le papa avait sauvé un jeune juif à Woluwe-Saint-Lambert : http://woluwe-saint-lambert.eklablog.com/memoires-de-guerre-d-un-woluween-a107331322 

    En écho à ce témoignage, je viens de recevoir celui de Monsieur Van Berkel. Son papa a vécu à Woluwe-Saint-Lambert et son fils, Yvan, nous raconte un pan de la vie de celui-ci en 40 avec... une rencontre étonnante, celle de Georges Désir.

     

    Mon père (Jean VAN BERKEL 1923-1999) m’a souvent raconté un épisode de sa vie lorsqu’avec ses compagnons et amis, il est parti de Woluwe-Saint-Lambert, au début de la guerre, pour un exil de 3 mois en France. En souvenir de lui, voici ce même récit une dernière fois raconté à ma fille ainée, Marie-Aurélie, en janvier 1999, peu avant son décès :

    Mémoires de guerre d'un Woluwéen... suite“ C’était le 10 mai 1940, il y avait du beau temps. Plus ou moins 3 mois de beau temps, et 4 ou 5 jours de pluie seulement. On avait vu le matin des avions qui survolaient Bruxelles et bombardaient la ville. On nous disait de partir. Tous les jeunes garçons de 16 ans,... heu ! ... 16 ans et demi, 17 ans.
    Le lendemain, nous sommes tous partis à pied, une vingtaine de copains du “bloc”, là en bas. A pied de Bruxelles jusqu’à Ninove. On avait d’abord fait toutes les brasseries pour boire. A Ninove, nous avons été dormir chez un paysan.
    Le lendemain, on est parti de nouveau à pied. Il y avait des files de gens avec des charrettes, des vélos. On allait à Lille. Au milieu du chemin, notre groupe a croisé des camions avec des Anglais qui revenaient. Les Anglais retournaient déjà dans leur pays. On les suivait mais on ne pouvait pas prendre la route, on prenait les petits chemins qui se croisaient...
    Et puis, les Anglais nous ont installés dans des camions vides pour arriver à Lille. Le soir, quand nous sommes arrivés dans cette ville, les gens nous accueillaient comme des petits pains, là tu sais. Et cette nuit-là, ils ont bombardé, bombardé, bombardé...
    Le lendemain, le groupe est reparti vers Béthune. A Béthune on est resté dormir chez des paysans, on a bien dormi et bien mangé et tout.  Le lendemain on est arrivé à Elboeuf ou... non... d’abord à Rouen. Dans la ville même, on ne savait pas où courir tellement que c’était... C’était un port et les gens avaient aussi tous peur des bombardements. Enfin, le lendemain on est parti de là à pied à Elboeuf. C’est dans une vallée, Elboeuf. Rouen n’est pas loin. Là, on rentre chez un pâtissier pour acheter du pain, enfin ce qu’il y avait et il y a une personne qui nous invite dans sa villa pour une nuit. Je me rappelle toujours de la villa devant moi, tu sais !
    Là, on est resté et le lendemain matin on est venu nous dire qu’on devait directement partir, qu’il y avait un train qui partait pour Toulouse. Mais quand on est arrivé, il n’y avait plus de place dedans. Alors on a du casser les carreaux du restaurant... du wagon-restaurant, et là on savait encore rentrer. On vivait comme des... comme des “choses” et à chaque gare, on nous arrêtait et des infirmières nous donnaient du pain et le nécessaire. Trois jours après... Toulouse.
    Là on a été à ”Lavalette” un petit village près de Carcassonne. On est arrivé la nuit chez des paysans. Là bas on devait tous les jours aller travailler, on recevait 1 franc par jour et on devait aller travailler dans les vignes. On avait un bac sur nos épaules, on remplissait ça avec du sulfate et il fallait pomper et sulfater les vignes. Le lendemain, on devait aller arracher les feuilles des vignes où il y avait des bêtes dessus.
    Et on est resté comme ça deux mois. Et deux mois après ils ont dit qu‘on pouvait retourner en Belgique, parce qu’il fallait évacuer la France à cause des Allemands. Alors, on a continué et on est arrivé à Maçon.
    Là, on nous a dit qu’on ne devait pas rentrer et on nous a renvoyé à Toulouse. On est resté dans un camp pendant 3 jours. Puis, on nous a remis dans le train, dans un wagon à bestiaux. Dedans il y avait des vélos qu’on suspendait au plafond et une cinquantaine de personnes aussi. Imagine, quand on devait faire pipi, caca, on se suspendait par la porte ouverte. Et comme ça, on a mis 8 jours pour arriver à Bruxelles. Mais on a eu, je te dis, 3 mois de beau temps et peut-être 6 jours de pluie et là-bas il faisait chaud, chaud, chaud,...
    Même que le premier jour on nous a pris pour des Boches parce qu’on parlait le flamand... Et puis, on est retourné à la maison et personne ne savait où nous avions disparu. Il y avait juste une liste à la maison communale avec les noms de ceux qui vivaient encore et qui étaient là et là. Il parait qu’on a trouvé mon nom à Toulouse. Mais personne ne le savait, on ne savait pas ce que j’étais devenu...
    Eh ! Mais ce que je te raconte c’est la vérité, je ne te raconte pas des blagues, ça c’est garanti."

    A son retour, mon papa a été envoyé au STO en Pologne.
    Il habitait à cette époque avenue Georges Henri, en face du cimetière. Pour éviter le retour au STO, il se cachait souvent dans les tombes juives (galeries souterraines qui se trouvaient à l'endroit du mur actuel).
    Il a assisté à la rafle du stade du White Star, rue Kelle (Voir le livre WOLUWE en GUERRE).
    A la fin de la guerre, il s'est engagé comme volontaire et, par le plus grand des hasards, il a été incorporé dans la même unité que Georges Désir. Ils ont passé quelques jours ensemble à Montjoie en Allemagne.
    Mon père gardait des traces physiques d'une brûlure à la jambe pendant le STO... et une balafre sur le crâne des câbles que les allemands tendaient au travers des routes à hauteur des pares-brises des jeep Willys (Ceci explique les barres métalliques verticales soudées à l'avant des jeep pour casser le câble avant de blesser les occupants.
    Il repose aujourd'hui au vieux cimetière de WSL dans le carré des militaires et volontaires de guerre.

    Source et photo : Yvan Van Berkel

     

  • Commentaires

    1
    Samedi 26 Novembre 2016 à 17:21

    Merci pour la parution de ce petit article. Les années de guerre à WSL de mon papa.

     

      • Samedi 26 Novembre 2016 à 17:25

        De rien. Cela fait partie de votre histoire mais aussi de l'histoire des habitants de notre commune.

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